Je
suis un franc-tireur, je parle et m’exprime librement
et sans contrainte, et c’est parce que je ne me reconnais
pas dans le collectif qui a pris en charge la représentativité
des intermittents, que je souhaite faire entendre mon analyse
singulière et la rendre publique, afin que d’autres
voix puissent également mettre un terme au discours
univoque.
Je n’ai jamais chaussé des gants pour ménager
les sensibilités des uns et des autres et je préviens
tout de suite que ce qui suit n’en prendra pas le chemin.
Vous avez donc choisi de vous engager
dans un bras de fer avec l’Etat français en ne
proposant visiblement qu’une seule et unique alternative
: la révision et la renégociation des nouvelles
directives qui vont régir le statut des intermittents
et leur régime ASSEDIC.
Nous voilà donc au cœur du
problème.
Je me souviens de l'appel qui avait été
fait dans la presse par une poignée de directeur de
CDN, de constituer des équipes artistiques permanentes
dans les Centres Dramatiques, moyen le plus sûr d'anéantir
les compagnies qui peinent aujourd'hui à trouver des
coproductions parmi le gang des CDN poids lourds, compagnies
indépendantes qui ne sont par exemple, à quelques
rares exceptions, jamais représentées au Festival
In d'Avignon, la grande Fashion Parade estivale des institutionnels
qui se rendent à leur marché provençal
dans cette citadelle indomptable, imperméable à
l'environnement misérable qui entoure ce fief de l'art
dramatique et de l’hypocrisie - les milliers d'habitants
des cités populaires de la périphérie
d'Avignon qui ne viennent pas voir les spectacles - et plus
encore, qui demeurent insensibles à la mentalité
raciste et xénophobe de cette partie de la France la
plus réactionnaire, jadis en zone libre.
Je me souviens aussi d'un été
où je participais à un spectacle du Festival
et où un jeune Marocain avait été exécuté
dans le dos par la police à quelques mètres
des remparts, pour n’avoir pas répondu à
une sommation, le soir, en pleine ouverture de la Cour d'Honneur
: personne n'a entendu parler de ce crime car il se passait
des choses plus importantes qui allaient marquer l’histoire
du théâtre français.
Habitant dans ce pays depuis fort longtemps et acteur impliqué
violemment dans des prises de positions concernant la situation
des sous-citoyens - les jeunes d'origines étrangères,
les marginaux, les travailleurs étrangers, les sans-papiers,
les détenus - , et mettant ma pratique du théâtre
au service encore utopique d’un théâtre
militant et politique, je constate une fois de plus avec un
certain recul, la grande amnésie qui frappe tous les
gens "de gauche", tous ceux qui ont perdu foi en
leurs convictions il y a un an lorsqu'ils ont appelé
sans réserve et d'une manière inconséquente
à voter au deuxième tour des élections
présidentielles pour le candidat Jacques Chirac, celui
qui possède l’ouïe et l’odorat toujours
aussi sensibles.
Mes chers camarades intermittents, vous
avez été de ceux-là, même si vous
étiez loin d'être les seuls, sous prétexte
qu'il n'y avait pas d'autres solutions envisageables pour
sauver la République et la Démocratie, qu'il
fallait sortir la Marseillaise et les grands mots, louer le
Zénith, faire preuve enfin d'un zèle démesuré
qui dépassa de très loin la mobilisation de
la droite entre les deux tours, et que les quelques voix qui
s'élevèrent alors à l'époque -
j'en étais - pour dénoncer cet aveuglement et
le dangereux chemin dans lequel notre société
allait être précipitée, furent traités
de tous les noms et n'eurent pas même droit à
la parole dans les médias, qui eux aussi curieusement,
se mirent à hurler avec les loups. J'étais alors
vice-président des Ecrivains Associés du Théâtre
et je démissionnais aussitôt de cette association
qui censura dans le forum de son site Internet toutes les
interventions à caractère politique, arguant
que les auteurs devaient se préoccuper d’écrire
et non pas de dire ce qu’ils pensaient des restes du
monde. Mais mes chers camarades auteurs sachant user du paradoxe
comme de la litote, sommèrent alors tout le monde de
voter Chirac dans un grand élan de solidarité
nationale.
Nous avions beau mettre en garde tous ceux qui allaient commettre
l'irréparable, mais c'était peine perdue : vous
alliez nous faire vivre par votre vote inconscient, ce qui
est aujourd'hui devenue une régression totale en matière
de libertés publiques et privées, de droits
fondamentaux du citoyen, d'une mise en œuvre brutale
à tous les modes de la répression par une police
omniprésente qui possède à présent
des droits illimités pour pratiquer son exercice violent
de cette soi-disant "démocratie" que vous
avez voulu protéger.
Ne dîtes pas que vous ne saviez
pas. Ne dîtes pas que vous regrettez.
Dîtes plutôt que vous avez oublié.
Mais comme d'habitude, et tous gouvernements
confondus, cette terreur et ce nettoyage à sec se pratiquent
toujours contre les mêmes, bien qu'on ait élargi
un peu plus le cercle des moins que rien aux putes, aux gitans,
aux mendiants et autres espèces nuisibles à
la bonne couleur et à la bonne odeur de la France.
Mais où étaient les intermittents
pendant ce temps ?
Comment la voix de ceux qui à présent
descendent dans la rue pour défendre leurs droits spécifiques,
s'est fait entendre pendant ces derniers mois, où Monsieur
Sarkozy a établi une liaison régulière
entre la France et le continent africain pour déporter
tout les trente jours un petit convoi de nègres, où
des dizaines de lois scélérates ont été
votées au parlement pour un peu plus anéantir
ceux qui n'ont déjà presque rien, sans qu'aucun
de nos artistes n'ouvre la bouche ?
Où étaient les intermittents
? A compter leurs heures de gloire ?
Ceux qui ont pris l’avion et ceux
qui attendent encore les menottes aux poignets dans les centres
de rétentions administratifs, ne valent-ils vraiment
rien pour que nous puissions à ce point oublier qu’ils
sont avant tout des travailleurs à qui on ôte
le droit de travailler et de vivre dans un pays soi-disant
libre, à l’image des déclarations puantes
de monsieur Alain Ollivier, directeur du Centre Dramatique
de Saint-Denis, en mars 2001 dans le journal l’Humanité,
homme de théâtre et de forfaiture à qui
j’ai eu l’occasion de répondre sans détours
dans une lettre rendue publique ?
Avez-vous bougé le petit doigt
et vous êtes-vous préoccupés des dizaines
d’hommes, de femmes et d’enfants qui ont été
incarcérés depuis que vous avez laissé
mettre en place la doublette Perben/Sarkozy au gouvernement,
qui par la même occasion a pratiquement interdit l’accès
des prisons aux artistes et aux compagnies qui travaillaient
avec les détenus en milieu carcéral ?
Nous avons atteint en moins d’un
an le chiffre de détenus le plus grand depuis la fin
de la Deuxième Guerre Mondiale. La justice d’en
haut punit la France d’en dessous à des peines
très lourdes et ce pays est devenu une grande prison
où l’on incarcère pêle-mêle
des étrangers qui ignorent leurs droits, des malades
incurables, des chauffards, des pauvres, des adolescents paumés,
des militants de mouvements sociaux. Pour dégager un
peu de place, on laisse sortir Mr. Papon, vieux ministre tortionnaire
qui en l’espace de 20 ans à expédié
dans les flammes des centaines de Juifs et noyé dans
la Seine des dizaines de travailleurs français musulmans.
A part quelques compagnies qui courageusement
et presque anonymement ont milité et collaboré
avec des hommes et des femmes licenciés abusivement
par leur entreprise, et qui ont réalisé des
spectacles d’une grande dignité en s’impliquant
directement dans la vie sociale de leur cité, qu’a-t-on
vu de si marquant dans nos grands théâtres la
saison passée, qui ait évoqué la politique
ultra-libérale dans laquelle l’économie
française s’est engouffrée et le mépris
avec lequel elle jette des centaines de famille dans la précarité
et la misère ?
Même s’il faut rendre hommage
au travail d’Ariane Mnouchkine et du Théâtre
du Soleil, qui d’autre a manifesté son indignation
et sa colère pour dénoncer les conditions inhumaines
dans lesquelles étaient parqués les candidats
à l’exil dans le ghetto de Sangatte, à
part le socialiste Pierre Arditi qui témoigna sur une
chaîne du service public de son admiration pour le “
courage ” et la “ responsabilité ”
du Ministre de l’Intérieur ?
La liste est longue des démissions
des artistes et de ceux qui travaillent avec eux, lorsqu’il
s’agît de prendre position, d’assumer ses
responsabilités et d’exprimer sa solidarité
quand des événements aussi graves viennent perturber
la marche nonchalante du petit monde du spectacle.
Alors, comment espérer aujourd'hui
impliquer notre public dans nos combats pour maintenir en
vie un régime bancal, quand par ailleurs nous nous
foutons éperdument de ce qui se passe dans la rue,
dans les prisons, les cités et les commissariats de
police?
Comment faire croire que nous ne sommes pas des privilégiés,
alors que le grand luxe dont nous faisons état et qui
n'échappe à personne, est celui de fermer les
yeux sur la France qui brûle ses indigents, et de croire
encore qu'on peut faire du théâtre ou du cinéma
en ne s'impliquant jamais dans la vie sociale ?
Vous maintenez une grandiose hypocrisie
quand vous parlez de la télévision ou du cinéma.
J'entends dire et je lis que les intermittents veulent préserver
leur statut lorsqu'ils travaillent pour les sociétés
qui produisent les émissions les plus indignes de l'histoire
de la télévision. Alors je me demande à
quoi nous tenons le plus : à nos droits ou à
la propagation de la bêtise ?
Notre petit monde est complice de la médiocrité
et du mensonge des fictions télévisées
et de leurs réalisateurs et scénaristes couards
et hypocrites qui dépeignent dans leurs œuvres
audiovisuelles une société française
monochrome où sont toujours absents le Noir, le Jaune
et le Gris, quoiqu’on en dise et malgré les “
Fatou la Malienne ” qui versent dans le doux paternalisme
post-colonial. Nous participons tous à l'évacuation
de l'imaginaire et de la pertinence, nous nous fourvoyons
dans le mensonge et la bonne conscience, nous perdons chaque
jour un peu plus de notre liberté et de notre créativité,
lorsque nous acceptons de participer à l'élaboration
et à la propagation de la connerie.
Alors qu'est-ce qu'il nous reste à
défendre vraiment ?
Où se trouve le danger, réellement
?
Et quels droits défendons-nous
quand nous disons que nous sommes obligés d'éclairer
le plateau du Bigdil pour faire vivre nos familles? Dans quel
monde voulons-nous vivre vraiment ? Va-t-on accepter encore
un système qui tient prisonnier chacun d'entre nous
dans l'obligation de faire de la merde pour vivre, ou serons-nous
un jour capable de faire encore des sacrifices pour exiger
et imposer, car nous en avons la force et les moyens, une
pratique de l'art, de la culture, du divertissement et du
spectacle, qui soit non pas assujetti à un statut professionnel
et à des lois qui de toute façon ne pourront
jamais modifier les règles du monde marchand, en inventant
une troisième voie et en nous fiant aux armes dévastatrices
que nous possédons qui sont l’imaginaire et le
non-conformisme ?
Incapables de posséder une étique de notre métier
et nous contentant de la quantité au détriment
de la qualité, enfermés dans un corporatisme
qui exclut toute possibilité de fédération
interprofessionnelle, manipulés sans cesse dans les
actions légitimes par des représentants syndicaux
de la SFA-CGT qui se cachent derrière un discours antédiluvien
aux méthodes douteuses, qui refusent systématiquement
les prises de paroles différentes et les initiatives
nouvelles et singulières, nous ne sommes absolument
pas en mesure d’organiser des forums de réflexion
et des actions révolutionnaires en matière de
lutte. Allier l’intelligence, l’agressivité,
l’invention, l’imaginaire et le refus de toute
forme d’autorité et de récupération,
est la seule voie possible pour mettre fin aux terribles contradictions
dont nous sommes prisonniers.
Nous nous sommes coupés volontairement
de la rue et des gens pendant des années durant, pour
ne plus nous regarder que dans notre propre miroir, reflet
pâle d’un monde qui n’existe que le temps
d’un contrat à durée déterminée,
et pour nous faire les bâtisseurs d’une culture
du loisir et du divertissement qui a atteint des sommets dans
l’art du dégoût. Mais cela ne suffit pas
! Il nous faut encore avoir le culot de traiter les gens de
débiles et de moutons quand ils regardent les conneries
que nous éclairons, que nous sonorisons, que nous assistons,
que nous écrivons et que nous réalisons !
Voilà bien là le comble
du paradoxe enfin atteint!
J’entends dire par des directeurs
de Centres Dramatiques qu’ils se fichent de savoir qu’ils
auront 4 ou 400 personnes dans leur salle, car ce qu’ils
font, même s’ils le font pour 2 spectateurs, c’est
déjà une bonne chose. Comment peut-on supporter
encore ce genre de discours ? N’est-ce pas là
donner à ceux qui croient que nous sommes des nantis,
une raison de plus pour vouloir notre peau ?
Pourquoi toujours fermer sa gueule et
ne jamais dire tout haut ce que j’entends toujours autour
de moi, chuchoté dans le creux de l’oreille ?
Pour préserver quoi et ménager qui ?
Pourquoi cultivons-nous un tel besoin
d’hypocrisie et pourquoi sommes-nous incapables de balayer
devant notre porte ? Pourquoi refusons-nous de nous poser
les vraies questions, et pourquoi hurlons-nous à l’assassinat
lorsqu’on veut fermer tel ou tel lieu ou remettre en
cause telle ou telle loi ?
Sortons de ce mutisme et cessons de fermer les yeux sur ce
qui ne va plus dans le fonctionnement de l’audiovisuel,
du cinéma et de l’art vivant en France et de
leur mode de subventionnement.
Que l’on se demande pourquoi il
existe un Théâtre à Gennevilliers puisque
personne n’y met plus les pieds, si ce n’est pour
permettre à des intermittents de faire leurs heures
et à son directeur ses points retraite. La population
qui vit autour de ce théâtre n’a que faire
d’un art qui ne s’adresse jamais à elle
et qui ne vient jamais éclairer un petit bout de son
chemin de croix. C’est de cette manière que nous
perdons du terrain sur la vie sociale et que le gouffre entre
le monde du spectacle et la rue s’agrandit peu à
peu.
Qu’on se demande d’où
vient cette soudaine solidarité des intermittents du
spectacle vivant avec les intermittents de la télévision
et du cinéma, alors que les uns sont les premiers à
rendre responsable les autres du déficit des ASSEDIC
à l’origine de la signature de la nouvelle loi.
A quoi jouez-vous ?
Et pour couronner le tout, lorsque des
intermittents sous influence parlent de leur action devant
des caméras de télévision, - habilement
briefés par un responsable syndical - ils veulent parler
le langage du peuple et déclarent que sans eux, il
n’y aurait pas de tirage en direct du “ Millionnaire
” ni de “ Qui veut gagner des Millions ? ”
!
Nous sommes encore dans le mépris et le cynisme et
si sauver le régime de l’intermittence, c’est
sauver le job de Jean-Pierre Foucault ou d’Endémol
Productions, alors je serai leur premier fossoyeur.
Mais mon point de vue n’est certainement
pas celui de l’ensemble de cette profession qui a pris
le parti de jouer le jeu du pouvoir en s’installant
sur un terrain qu’il ne connaît pas, dans un duel
avec un ennemi surpuissant et pervers qui a déjà
à son actif des milliers de cadavres de salariés.
Il n’y a jamais eu de solidarité dans ce milieu
et chacun jouera en sous-main pour défendre son bout
de gras. L’Etat le sait, tout le monde le sait, mais
chacun fait semblant de ne rien voir. Et tout le monde s’en
accommode car une fois de plus les malins sont plus fort que
les vilains.
Nous laissons passer là une occasion
de nous défendre avec des moyens qui échappent
totalement au langage et à la grammaire d’un
pouvoir puissant qui fera ce qu’il voudra quand il le
voudra et qui ne se pliera jamais à la volonté
de quelques-uns. Nous nous trompons d’arme et nous nous
trompons de bataille.
La lutte ne se fait pas sur la forme avant
de se faire sur le fond.
Et c’est là le plus douloureux des combats, car
il est contre nous-mêmes.
Au quinzième siècle, un samouraï nommé
Yagyu, grand maître du sabre écrivait : “
Je ne sais pas comment surpasser les autres. Tout ce que je
sais, c’est comment me surpasser. ”
Alors oui, je suis un privilégié
et je revendique ce titre. Et nous devons déjà
nous définir tous en tant que privilégiés
car le premier des privilèges est celui ne pas faire
ce métier pour faire de l’argent.
Mon privilège aujourd'hui est de
pouvoir dire ce que je veux, quand je veux, où je veux,
et surtout, comme je le veux. C’est de pouvoir encore
rêver et faire rêver, de pouvoir encore être
libre d’ouvrir ma bouche et si je fais ce métier,
ce n’est pas pour avoir ma tronche dans Libération,
ni pour espérer un jour profiter de ma retraite pour
faire tout ce qu’on m’aura empêché
de faire pendant ma putain de vie.
Je vis dans un endroit que je ne peux
pas oublier, au milieu de gens qui ne sont pas invisibles,
et j’ai une responsabilité face à çà.
Je ne me coupe pas en deux quand je travaille et quand je
rentre chez moi. Je n’ai pas un double discours. C’est
la même personne qui parle. Alors forcément,
mon métier, je l’exerce au milieu des autres
et au milieu du monde, jamais à sa périphérie.
Voilà ce qui doit devenir notre grande force et qui
n’est pour le moment qu’une grande faiblesse.
Au sein de ma compagnie, j’ai toujours
tout partagé avec mes camarades techniciens, artistes
et administrateurs et jamais l’un d’entre eux
n’a participé à une création, que
s’il n’était absolument convaincu du sens
de ce que nous allions entreprendre. Comme tout le monde,
j’ai truandé les ASSEDIC, premier coproducteur
de mes spectacles, car la plupart des incestueux Centres Dramatiques
sonnent la faillite des petites compagnies en ne copulant
souvent qu’en famille.
Il faut s’organiser à la
base, avec chaque individu, en renforçant la solidarité
avec tous les salariés exploités de tous les
secteurs d’activités, les citoyens abandonnés
et méprisés par l’Etat et les pouvoirs
publics, et agir directement et sans attendre. Nous n’avons
que faire de cette pseudo démocratie parlementaire,
des discours technocratiques et peureux des faux leaders syndicaux,
pantins de bois qui négocient sur le dos des travailleurs.
Il n’y a rien à négocier,
il y a tout à changer.
Soyons souverains et décidons nous-mêmes
de ce que nous voulons. Arrêtons de travailler tous
en même temps pour ces salaires de merde, cette retraite
qui ne viendra jamais, cette société qui flique
chaque citoyen.
Arrêtons d’avaler les crachats que nous lance
ce gouvernement à chaque fois que nous ouvrons la bouche.
Il n’y a malheureusement rien à attendre non
plus de ceux qui ont eu la bassesse de courber l’échine
et de mettre un genou à terre pour réclamer
un geste magnanime du Président de la République
ou de son pleutre de Premier Ministre, à l’image
de ce lamentable appel paru dans le quotidien Libération
du 3 juillet 2003, “ Monsieur Raffarin, faites un geste
”.
Mais le geste, mes chers camarades, il le fait tous les jours
en se levant de son fauteuil : n’avez-vous pas encore
vu ce majeur ganté qui s’agite sous votre nez
depuis plus d’un an !
Qui peut encore croire aux gesticulations
de ces bouffons et d’un Ministre de la Culture coaché
par le pit-bull Sarkozy qui comme par hasard, rend visite
au commissariat de police d’Avignon, trois jours avant
le début du festival et l’annonce de l’arrivée
d’intermittents radicaux déterminés à
stopper la grand messe du théâtre ?
Le seul discours qui parvient aux oreilles
de l’Etat est-il celui de l’argent et du profit
? Alors pas d’hésitation, mettons un sérieux
coup de cutter aux bourses de ces commerçants qui profitent
d’une manière odieuse de la venue des intermittents
dans leur ville en augmentant leurs tarifs, en louant des
taudis à des prix exorbitants, en regardant de travers
le client aux cheveux longs et au visage percé, en
votant le nettoyage des trottoirs par les petits nazis de
la police municipale, quand des dizaines de vagabonds ou de
mendiants viennent chaque année chercher un peu de
bon temps et quelques pièces dans la Cité des
Papes.
Qui peut encore croire que ces poujadistes
s’intéressent à autre chose qu’à
leurs bénéfices et sont solidaires des petites
compagnies qui crèvent la dalle toute l’année
pour venir pratiquer leur art dans des conditions souvent
indignes ?
Qui peut encore écouter ceux qui
veulent semer la mauvaise conscience chez les travailleurs,
en refusant d’utiliser des moyens radicaux tel que la
grève générale et le blocage de tous
les spectacles ou en usant d’arguments économiques
et fallacieux pour justifier le bon déroulement du
Festival ? Si la grève n’est pas votée
à l’unanimité et si malgré la mobilisation,
des lieux symboliques continuent à fonctionner, alors
nous verrons déferler les Compagnons Républicains
Sécurisants pour défendre le droit du travail
de quelques-uns contre le droit de grève de tous les
autres. Partout en France et dans le monde marchand où
des travailleurs ont refusé de se plier aux injonctions
de leurs employeurs ou de l’Etat, une seule réponse
: violence policière et répression brutale des
insoumis.
Quoiqu’en dise Monsieur Faivre d’Arcier qui n’a
mis que trois jours pour retourner sa flanelle, les flics
seront au rendez-vous des barricades s’il y a le moindre
incident, car il est totalement dépassé par
les événements et incapable de prendre une décision
ferme face aux tutelles, qui ne laisseront pas des “
casseurs ” foutre en l’air leurs vacances.
Allons, ouvrez les yeux et arrêtez
encore de croire que cette association de malfaiteurs que
vous avez élus travaille pour votre bien et pour une
construction juste et équitable de notre société,
avec ou sans art !
Arrêtez de croire que le dialogue est encore possible
avec ces maîtres du mensonge, de la menace et de la
manipulation.
Nous ne pouvons plus revenir en arrière
et il nous faut faire un vrai bond en avant.
C’est notre seule chance et demain il sera trop tard
pour réclamer quoi que ce soit.
Comme il l’a déjà
fait hier avec l’audiovisuel, demain l’Etat français
jugera bon de tailler les veines de la création contemporaine
en commençant par le bas et ceux qui ont une grande
gueule qui crache dans la soupe qu’on leur sert. Ils
auront l’appui de tous ceux qui, aujourd’hui,
militent pour leurs droits spécifiques en se fichant
pas mal de maintenir l’ignorance et la bêtise
qu’ils entretiennent complaisamment en collaborant à
la fabrication d’une télévision malsaine
et d’un art de propagande sous prétexte de sauver
leur gamelle.
Si nous nous isolons dans un discours technocratique pour
mener notre petit combat pour nos petits droits auxquels le
public et la majorité des citoyens ne comprennent rien,
sans l’inscrire dans un grand mouvement national et
international de lutte pour nos libertés et les droits
fondamentaux de chaque individu, en défendant d’une
manière unilatérale tous ceux que l’Etat
opprime et écrase, nous sommes morts, et morts nous
rejoindrons le cimetière des âmes crédules.
Et l’Etat récompensera ses
moutons.
Pour après mieux leur trancher la gorge.
Lorsqu’on vous demandera de voter
une nouvelle fois la solidarité nationale pour sauver
la Démocratie et la République, ne faites pas
comme aujourd’hui : ne perdez pas une deuxième
fois la mémoire.
Mohamed ROUABHI.
Drancy, sept juillet deux mille trois.
[email protected]
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