«ARTISTES.
— Tous des farceurs…Ce qu'ils font ne peut s'appeler
travailler".
GUSTAVE FLAUBERT, Bouvard et Pécuchet, Dictionnaire des
idées reçues
Il y a tout juste un an nous avions consacré
un numéro de Positions au théâtre et à
Avignon. Des propos et des images qui reflétaient l'image
positive d'un théâtre vivant.
Aujourd’hui, après qu’un nouveau statut des intermittents
ait été imposé par le MEDEF
qui équivaut à la menace d’un licenciement collectif
de plus de 30 000 personnes suscitant une grève jamais vue,
c’est la consternation dans un climat souvent qualifié
par certains de mortifère, de populiste… où
l’un des principaux protagonistes — le public —
n’a jamais eu son mot à dire. Aussi bien cette livraison
n’a pas d’autre ambition que d’essayer de comprendre
comment on a pu en arriver là ... « Ni pleurer ni rire,
mais comprendre », disait Spinoza.
 |
Quelque chose s’est passé avec
la grève des intermittents et l’annulation des Festivals
dont personne encore n’est capable de mesurer la portée.
Pour la première fois depuis longtemps le camp de ceux qui
peu ou prou font, en France, le spectacle vivant et la Culture connaît
des lignes de fracture qui laisseront des cicatrices profondes...
Des choix, des postures, des stratégies d’un mouvement
dépassant malgré lui ses revendications catégorielles
ont provoqué des réactions douloureuses génératrices
d’intolérance, de désespoir, de colère…
Devant un tel séisme (qu’on espère salutaire)
où chacun est à la recherche de sens les philosophes
(où sont les écrivains ?) auraient mieux fait leur
travail que les politiques... Jacques Rancière auteur d’une
réflexion sur le partage du sensible s’est retrouvé
promu, malgré lui, auteur « positif »contre Baudrillard,
face noire et paradoxale, qui parlait « des suicidés
du spectacle »(1) et que certains se sont fait profession
de ne pas vouloir comprendre.
Robert Abirached, directeur du théâtre au ministère
de la Culture de 1982 à 1988, pour qui « la crise du
spectacle actuelle participe plus largement de la crise de la jeunesse
française » (2) a sans doute raison. Pourquoi en effet
tant de jeunes gens veulent-ils "faire artistes"? Une
des dernières façons d’échapper à
la marchandisation ? …
Mais il reste— quand bien même les années Malraux-Lang
seraient finies— qu’on ne peut laisser sans réponse
la question posée par Patrice Chéreau : "Est-ce
que tout a été fait pour que des gens qui ne devraient
pas être des intermittents arrêtent de l’être...
”(3) Plus difficile que de décréter urbi et
orbi l'exception culturelle !
A moins qu’être intermittent soit un idéal…
MP
1. Libération
du 12/7/03 et du 16/7/03. On notera que le texte de Rancière
n’avait eu droit qu’au courrier des lecteurs ! Depuis
nous avons appris qu’il s’agissait d’un texte
apocryphe.
2. Libération du 9/07/03
3. Le Monde 3/7/03
|