Avril 2002
Avant-hier soir encore, je regardais depuis le balcon
de l'hôtel Renaissance le coucher de soleil sur Jérusalem.
Le ciel palissait au-dessus des collines blanches
qui me faisaient face, un vent léger venait de la
vieille ville, et quand soudain la lumière s'est évanouie,
l'obscurité grandissante s'est installée comme un
mélancolique cessez-le-feu - les mots de Camus dans
L'Etranger m'ont traversé l'esprit. Ce matin-là
pourtant, le bus qui allait de Haifa à Jérusalem a
explosé, la puissance de la détonation a soulevé le
véhicule, des morceaux de corps humains déchiquetés
ont été projetés tout autour.
Dans l'obscurité qui envahit peu à peu la ville, je
ne tente même pas de mettre de l'ordre dans mes pensées
confuses et vagabondes. Je suis venu ici avec ma femme
pour une conférence à laquelle je ne me serais jamais
rendu si elle n'avait pas justement eu lieu à Jérusalem.
Je n'aime pas les conférences caduques, et surtout
pas celles qui ont pour titre The Legacy of Holocaust
Survivors - Moral and Ethical Implications for Humanity.
La date, le 9 avril, figurait dans mon agenda depuis
des mois, et tout en faisant comme si je prenais au
sérieux les conseils pressants de mes amis de Berlin
et Budapest - qui me déconseillaient le plus souvent
de partir -, je suis en réalité resté jusqu'au bout
sous le charme de mon projet initial : de Berlin,
nous rentrons à Budapest, là-bas, je vote pour des
élections qui n'ont certainement que faire de ma voix,
et deux jours plus tard, nous partons pour Jérusalem.
La seule question qui se pose vraiment est de savoir
s'il ne serait pas mieux de partir seul. Mais ma femme
ne veut rien savoir. Nous partons ensemble ou pas
du tout. Après quelques hésitations, il nous semble
évident que nous devons partir, tout simplement pour
ne pas avoir à vivre ensuite avec l'idée que nous
avons été appelés là-bas et que nous n'y sommes pas
allés.
J'ai compris pourquoi les Dieux étaient nés ici
A présent, je suis sur ce balcon, au septième étage,
et ne peux pas mieux ici qu'à Berlin ou Budapest juger
de ce qui se trame vraiment. A ce moment, je ne réfléchis
même pas à la situation locale, mais plutôt à la réaction
européenne. On dirait que, des profondeurs de l'inconscient,
l'antisémitisme dont on a pendant des années serré
le mors rejaillit comme une coulée de lave sulfureuse
…. Sur l'écran de télévision, je vois, à Jérusalem
et ailleurs, des manifestations dirigées contre Israël.
Je vois en France les synagogues incendiées et les
cimetières profanés. A quelque centaines de mètres
à peine de mon domicile berlinois, près du Tiergarten,
deux jeunes Juifs américains ont été agressés et roués
de coups. J'ai vu à la télévision l'écrivain portugais
Saramago, penché sur sa feuille de papier, qui comparait
les agissements d'Israël contre les Palestiniens à
Auschwitz - une preuve que l'auteur n'a pas la moindre
idée de l'inadéquation scandaleuse du parallèle qu'il
a tracé, et qui plus est, que le concept bien connu
sous le nom de Auschwitz, dont la définition dans
le consensus européen était jusqu'à présent constante,
peut aujourd'hui d'ores et déjà être employé de manière
populiste et à des fins populistes. Je me demande
s'il ne faudrait pas faire une distinction entre une
disposition hostile à Israël et l'antisémitisme. Mais
est-ce seulement possible ? Comment comprendre que,
deux continents plus loin, en Argentine - où en ce
moment, les gens ont d'ailleurs bien assez à faire
avec leurs propres soucis -, on en arrive à des manifestations
contre Israël ? Sans doute, me dis-je, l'hostilité
envers les Juifs qui dure depuis quelque deux mille
ans s'est-elle cristallisée en une représentation
commune au genre humain. La haine est devenue une
représentation commune, et l'objet de cette haine
s'est trouvé être un peuple qui n'est en aucun cas
prêt à disparaître de la surface de la terre. J'essaie
de penser de manière claire et sincère, et d'énoncer
clairement et sincèrement ce que je pense, en repoussant
chaque tabou. Le fait que des jeunes gens se suicident
le cœur léger en faisant exploser une bombe (j'ai
d'ailleurs lu dans le journal que le dictateur irakien
Saddam Hussein verse 25000 dollars à leur famille)
prouve qu'il ne peut s'agir seulement de savoir si
un état palestinien est sur le point de se constituer
ou non. Ces suicidés se révèlent être des perdants
de l'existence. Leur acte exprime une amertume qu'on
ne peut expliquer uniquement par le sentiment nationaliste.
Un jour, lors d'un précédent voyage, dans la douce
lumière de Jérusalem, dans ces soirées dorées, parmi
ces collines pittoresques plantées d'oliviers, j'ai
compris, plus par les sens que par la raison, pourquoi
les dieux étaient nés ici. Il me faudrait à présent
comprendre pourquoi c'est ici, avec une disposition
ostentatoire au martyr sanguinaire, qu'on les massacre.
J'avoue que je n'y comprends rien, et je ne peux pas
croire que nous soyons là uniquement face à une question
politique. Mais il se peut aussi que la politique
s'évertue à ce que je n'y voie pas qu'une question
politique, et que je ne sois que la victime d'une
manipulation ; pourtant, pendant que des millions
de gens sont pris au piège de cette manipulation,
le caractère même de celle-ci se transforme, et elle
est intégrée - quelques-uns pensent soudain en toute
bonne foi que leur folie n'est pas dictée par des
forces extérieures mais qu'elle naît de leur âme et
de la souffrance de leur âme : et c'est là que commence
le mal irrémédiable.
Je l'avoue en toute sincérité : la première fois que
j'ai vu à la télévision les chars israéliens envahissant
Ramallah, une pensée instinctive que je n'ai pu repousser
m'a traversé l'esprit : mon Dieu, heureusement que
je vois l'étoile de David sur des chars israéliens
et non pas, comme en 1944, sur ma poitrine. Je ne
suis donc pas impartial et ne peux d'ailleurs pas
l'être. Je n'ai jamais tenu le rôle du bourreau impartial.
Je laisse ça à ces intellectuels européens - et non
européens - qui tiennent ce rôle pour le meilleur
et souvent pour le pire. Après tant de solidarité
sincère et feinte, la page s'est tournée : c'est avec
des mines sévères que les souverains se sont tournés
vers Israël. Il se peut qu'ils aient en apparence
raison sur certains points, mais voilà : ils n'ont
encore jamais acheté de ticket pour le bus qui va
de Jérusalem à Haifa.
Le jugement glacial des souverains européens
Ici, en Israël, chacun a pour ainsi dire un tel ticket
dans sa poche. Et cela prive peu à peu les gens de
toute lucidité. Le jugement glacial des souverains
européens est ici ressenti comme une question existentielle
brûlante. Ce déchirement, c'est une amie qui l'a exprimé
le plus simplement, un jour où, à Jad Vaschem, ce
terrible cimetière pour les victimes de l'holocauste,
elle nous a dit:
" D'abord on participe en famille à une manifestation
contre la guerre, et ensuite on entre dans l'armée."
Je n'ai rencontré aucun intellectuel israélien - du
moins ici - qui eût remis en cause la nécessité d'un
état palestinien. " Il faut mettre un terme à la colonisation
israélienne ", déclare l'un des historiens qui dirigent
Jad Vaschem, " ça nous déclenchera une petite guerre
civile, mais ça, on en verra le bout ". L'isolement,
le manque de solidarité, génèrent presque une souffrance
physique. Impossible de supporter la terreur sans
agir ; impossible de répondre à la terreur sans terreur.
La souffrance de cette situation en cul-de-sac, la
tourmente des questions, dont il faut seul venir à
bout. " On nous enferme dans un ghetto moral " affirme
mon ami, l'écrivain Aharon Appelfeld. Je vois dans
les regards qui m'entourent la peur, le désespoir
et la détermination. Exactement comme le décrit avec
emphase David Grossmann, dans sa contribution au Frankfurter
Allgemeine Zeitung : " L'état d'Israël d'aujourd'hui
est pareil à un poing serré, mais aussi à une main
sans vigueur qui retombe par désespoir " La ville
est comme morte, les chauffeurs de taxis errent comme
des vautours affamés aux abords des hôtels, et dès
que quelqu'un franchit la porte, ils se jettent sur
lui - le plus souvent pour rien, car ici ne séjournent
presque plus que ceux que des devoirs officiels y
ont conduit, et ceux-là attendent qu'on vienne les
chercher officiellement. A notre hôtel, nous prenons
notre petit-déjeuner dans une salle à moitié vide
; les touristes restent absents, de même que les hommes
cravatés qui lisent le journal en buvant leur café,
les hommes d'affaires que l'on voit d'habitude.
Avec tout ça, j'ai presque oublié que je suis venu
ici pour une conférence et que je dois y lire le texte
que j'ai préparé. " Quand je dis que je suis un écrivain
juif, je ne dis pas pour autant être moi-même juif
", ai-je écrit. " Quelle sorte de Juif est en effet
quelqu'un qui n'a pas reçu d'éducation religieuse,
qui ne parle pas l'hébreu, qui connaît en fait à peine
les œuvres à l'origine de la culture juive et qui
ne vit pas en Israël, mais en Europe ? Quelqu'un pour
qui l'identité juive première, peut-être même exclusive,
est Auschwitz ne peut d'une certaine façon être qualifié
de juif. C'est le Juif non-juif dont parle Isaac Deutscher,
la variante européenne déracinée qui peut encore à
peine trouver un lien intime avec le judaïsme qui
lui a été imposé.
" J'ai presque honte de lire ces lignes. Presque honte
de dévoiler mon existence, les problèmes délicats
des intellectuels juifs déracinés, crise identitaire,
apatrie. Soudain, je prends conscience de l'insupportable
ironie de ma position : en tant que survivant de la
Shoah, je tiens un discours sur le sol d'Israël, qui
est en guerre, en expliquant - pour ainsi dire -,
pourquoi je ne peux me sentir solidaire d'un peuple
auquel j'appartiens pourtant moi aussi. Ma solidarité
tient tout au plus en cela que j'ose prendre un avion
pour Tel-Aviv. Je suis un visiteur qui rassemble des
impressions en vain, qui interroge les gens en vain
; qui ne pourra les comprendre, car il ne partage
pas le sort de ceux qui sont pourtant les siens.
Jamais encore, je n'avais ressenti cela de manière
aussi précise. Comme si à présent, juste au moment
où la compassion et l'intérêt m'emplissent et me torturent,
j'étais plus étranger que jamais. Aucun Israélien
n'omet de nous remercier d'être venu jusqu'à eux.
C'est ainsi que se terminent presque toutes nos conversations,
et ma position d'étranger ne s'en trouve que soulignée
plus nettement. Je me demande pourquoi, et quand j'observe
plus attentivement les visages, les voitures pavoisées,
toute cette ambiance si difficile à décrire, cette
excitation et ce repli, je prends soudain conscience
de la métamorphose que ce pays est en train de subir.
L'historien français Ernest Renan prétend que ce ne
sont ni la race, ni la langue, qui définissent la
nation : c'est dans leur être que les hommes sentiraient
que leur pensée, leurs sentiments, leurs souvenirs
et leurs espoirs les lient les uns aux autres. Or,
en partie pour les colons, mais surtout pour les survivants
européens, pour ceux qui étaient en quête de protection,
pour les sionistes militants, pour les soldats sans
pitié, pour les musiciens débonnaires, pour les Juifs
de toutes les couleurs - les blancs du Nord, les africains,
les arabes et les levantins - pour les cultures les
plus diverses et les êtres les plus différents, ce
pays, qui jusqu'à présent n'était qu'un pays incohérent,
est tout à coup devenu, au fil de cette guerre désespérée
et sans issue, une nation. Je ne sais s'il faut se
réjouir ou plutôt jeter l'anathème, car le temps des
nations touche justement à sa fin, mais c'est un fait,
et celui-ci ne tolérera plus très longtemps la façon
dont les Juifs d'Amérique et d'Europe se comportaient
jusqu'à présent vis à vis d'Israël, avec une certaine
réserve et en même temps une sympathie souriante,
parfois avec une supériorité ironique. C'est un tournant
étrange, et ce tournant - au moins en ce qui concerne
les relations judéo-juives - aura sans aucun doute
ses conséquences.
Je fais donc bien de ne pas chercher ici la vérité,
la prétendue vérité objective. Et " si la vérité n'est
pas une fois pour toute acquise, mais au contraire
changeante, alors le souci que l'homme d'esprit en
a, son attention pour les élans de la pensée universelle,
pour les changements dans les représentations de la
vérité, sera d'autant plus profond, conscient et sensible
", ainsi que l'écrivait Thomas Mann à une époque critique
de l'Europe. Peut-être est-ce parce qu'elle est changeante
qu'en ce moment la " vérité ", exigeant sans relâche
sa définition la plus actuelle, se déroule au premier
plan. Les guerres de notre époque sont toujours, dans
une mesure que nous n'avions peut-être encore jamais
atteinte, des guerres teintées de morale. Dans notre
monde moderne - ou post-moderne -, les frontières
ne courent pas tant entre les nations, les ethnies
et les confessions, mais bien plutôt entre conception
du monde et attitude au monde, entre raison et fanatisme,
tolérance et hystérie, créativité et soif de pouvoir
destructrice. A notre époque athée, des guerres bibliques
ont lieu, des guerres entre le " Bien " et le " Mal
". Même ces notions, nous devons les mettre entre
guillemets, tout simplement car nous ne savons pas
ce qu'est le " Bien " et ce qu'est le " Mal ". Nos
conceptions en sont trop différentes, trop divergentes,
et elles resteront discutables tant que ne renaîtra
pas un système de valeurs stable dans une culture
forgée ensemble et soutenue ensemble.
Tout cela, surtout au Proche-Orient, n'est bien sûr
qu'utopie. Quelle est la raison - je me creuse la
cervelle - qui pousse des jeunes gens pleins de vie
à commettre des attentats-suicides ? Leurs actes révèlent
la valeur qu'ils accordent à la vie d'autrui ; mais
quelle valeur accordent-ils à leur propre existence
? Un ami nous explique qu'on leur raconte que " là-bas
", dans le harem de l'au-delà, 72 vierges les attendent
pour les combler. Et que raconte-t-on aux femmes ?
Notre ami hausse les épaules en riant. J'ai toujours
perçu la haine comme une énergie. Cette énergie est
aveugle, mais paradoxalement, sa source est aussi
cette vitalité dont se nourrissent les forces créatrices.
La civilisation européenne, que les gens d'ici revendiquent
encore et malgré tout comme la leur, considère le
perfectionnement de la vie humaine comme la plus noble
des valeurs. Le fanatisme en est exactement le contraire
; sur quel fondement pourraient bien naître ici l'humanité
et la confiance ? Pour l'instant règnent la peur et
la haine. " Les paroles de paix, de réconciliation
et de coexistence ressemblent aujourd'hui aux derniers
signes de vie provenant d'un bateau qui a déjà sombré
", écrit David Grossmann.
Dans cette région, la nuit arrive brutalement ; en
bas dans la rue, sous mon balcon, les lampes s'allument.
Des voitures filent sur des routes qui se perdent
dans le lointain, qui mènent à des bosquets d'orangers
et aux campus universitaires, à des villes richement
construites et à des champs richement plantés. Beaucoup
nous ont raconté qu'ils sont venus ici après la Shoah
dans l'espoir d'y trouver le calme et la sécurité.
Ce pays s'est construit à force de travail, ses habitants
ont mené de rudes combats pour le défendre, tandis
que l'entourage proche ou lointain mettait en doute
son droit à exister. Si ce doute - accompagné du sentiment
d'abandon - les atteignait également jusque dans leurs
racines, cela pourrait les plonger dans le plus profond
désespoir.
A l'heure actuelle, la vitalité du pays, du moins
d'après ce que j'en ai vu, permet encore une réflexion
sur soi : la majorité des intellectuels du pays critiquent
vivement, sinon bien sûr la résistance à la terreur,
du moins la manière de se défendre, cette campagne
vengeresse finalement sans résultats. Mais si l'indifférence
hostile du monde les abandonne au désespoir, la porte
est alors grande ouverte à la catastrophe ; et dans
ce monde animé de haine, de fantasmes fanatiques et
d'impuissance, la catastrophe ne touchera certainement
pas uniquement le Proche Orient.
Je n'ai pas été entendu, peut-être est-ce mieux
ainsi
C'est le cœur lourd que je quitte le balcon et la
vue sur la nuit de Jérusalem. Nous partons demain
matin, et j'emporte avec moi un cadeau bien particulier.
Nation, patrie, chez-soi, tout cela n'était pour moi
jusqu'à présent que des concepts inaccessibles. L'harmonie
du citoyen qui s'identifie sans conditions à sa patrie,
à sa nation, est pour moi inconcevable. Mon destin
en a voulu ainsi : la condition - universelle, pourrait-on
dire - dans laquelle je vis, condition que j'ai choisie
moi-même et acceptée, est celle des minorités, et
si je voulais décrire cette condition, je n'emploierais
pour cela aucune notion raciale ou ethnique, ni de
notions confessionnelles ou philologiques. Je définirais
cette condition de minorité acceptée comme une forme
de vie spirituelle qui serait fondée sur l'expérience
du négatif. C'est vrai, l'expérience négative est
attachée à mon judaïsme. Je pourrais aussi dire :
c'est par mon judaïsme que j'ai été initié au monde
universel de l'expérience négative ; car tout ce que
j'ai dû subir du fait de mes origines juives, je le
considère comme un apprentissage, une initiation à
la connaissance profonde de l'humain et de sa situation
actuelle. Et c'est parce que j'ai vécu mon judaïsme
comme une expérience négative, c'est-à-dire de manière
radicale, qu'il m'a finalement conduit à la délivrance.
C'est la seule liberté que j'ai conquise tout au long
de ma vie sous diverses dictatures et c'est pour cela
que je l'ai soigneusement protégée - jusqu'au jour
d'aujourd'hui. Maintenant, au cours de mon séjour
à Jérusalem, le sentiment grave et exaltant de responsabilité
nationale m'a pour la première fois ému ; et même
si j'ai conscience de ne rien pouvoir en faire, car
ma vie est depuis longtemps toute tracée, cela m'a
néanmoins profondément bouleversé.
C'est donc bouleversé que je monte dans l'avion pour
Budapest. Après avoir posé les questions d'usage et
constaté que nos bagages étaient en règles, l'officier
de sécurité, une jeune femme, nous remercie d'être
venus jusqu'ici, " chez nous, en Israël ". Ce remerciement
semble nous affranchir de toute autre obligation,
et je vois que ma femme, qui n'est pas lié à ce pays
par le sang ou la religion, mais seulement par l'amour,
en souffre autant que moi.
Notre appareil atterrit sans encombres à Budapest.
En sortant, je ne peux m'empêcher de lancer au personnel
rassemblé devant la porte un " God save Israel
". Mais j'ai dû mal prononcer ces mots ou en avaler
un, j'entends en tout cas derrière moi des questions
déconcertées : "What did he say ?" Avant que
j'aie pu me retourner, je suis poussé vers la sortie,
vers l'extérieur.
Je n'ai pas été entendu. Peut-être est-ce mieux ainsi.
Je quitte l'avion, je foule le sol hongrois.
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