Le 30 mars a peut-être marqué un tournant dans la chaotique
histoire du conflit israélo-palestinien.
C'est l'irruption de la société civile européenne. Ou plutôt
l'irruption d'une trentaine d'illuminés entre les chars
israéliens et les soldats qui encerclaient la Mouqata'a,
le quartier général de Yasser Arafat à Ramallah.
Marche incroyable, surréaliste, qui a battu en brèche l'organisation
de cette prestigieuse armée israélienne que l'on dit être
l'une des meilleures du monde (sur quels critères d'ailleurs,
qui est le jury, à quel niveau de sang versé se mesure l'efficacité
d'une armée ?).
Plus que l'armée, c'est la politique d'Ariel Sharon qui
a été battue ce jour-là par José Bové et ses camarades.
Une politique qui dénie à un peuple le droit même d'exister,
une politique, qui, relayée dans le monde par une propagande
irrationnelle, tente de faire passer pour du droit ce qui
est le plus manifeste déni de justice de l'après-guerre.
Ni la puissante Tsahal, ni l'Etat qui la commandite, ni
les puissances financières qui la soutiennent ne savent
comment s'opposer à l'émergence d'une société civile mondiale,
née peut-être à Seattle, grandie à Gênes et à
Barcelone et qui réclame aujourd'hui le droit international
comme elle réclame la justice sociale, l'un pourrait-il
aller sans l'autre ?
Face à l'affligeant spectacle de beaucoup de nos intellectuels
qui réclament le droit d'ingérence à condition qu'il ne
s'applique pas au Moyen-Orient, face à des gouvernements
occidentaux bâillonnés par les compromis et qui décrètent
la non-intervention comme la décrétèrent avant eux et deux
ans avant Munich ceux qui refusaient de voir dans la guerre
d'Espagne l'acte premier du déferlement nazi sur l'Europe,
face à ceux-là, les trente "internationalistes" de la Mouqata'a
ont ressuscité l'esprit des brigades internationales, ils
ont sauvé l'honneur du pays dont ils sont membres et donné
aux politiques obnubilés par les présidentielles françaises
une grande leçon à fois de courage et d'humanité.
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